L'IMF Umutanguha Finance Company Plc. (UFC) au Rwanda témoigne
Jules Théoneste NDAHAYO, Directeur Général de UFC au Rwanda, témoigne de la façon dont la crise du Covid-19 est gérée sur le territoire et au sein de son institution.
Pouvez-vous nous décrire la situation actuelle au Rwanda ?
Au Rwanda, nous sommes confinés depuis le 21 mars. Seuls les services essentiels comme l’agriculture, le commerce des produits agricoles, aliments et médicaments, ainsi que les services financiers sont offerts. Le pays venait à peine de lancer une large campagne pour le « cashless » (paiement sans espèces), cela signifie que la plupart des gens, dont la plupart clients des IMF, doivent nécessairement visiter les branches des IMF pour retirer du cash afin de pouvoir s’acheter des produits de première nécessité dans ces commerces. Ces derniers doivent aussi respecter un certain nombre de mesures sanitaires, y compris la distanciation sociale. La police s’assure que ces mesures sont respectées par tout le monde.
Et chez UFC, comment vous êtes-vous organisés ?
Nos branches sont encore ouvertes, nous assurons encore les services de base comme le service aux clients, les retraits et versements ainsi que l’octroi de crédits urgents uniquement pour les clients qui font le commerce des produits essentiels. Toutes les pénalités de retard de remboursements de crédits ont été annulées et les clients dont les businesses ont été affectés par le Covid pourront avoir un report de remboursement de crédits allant jusqu’à trois mois. En plus de cela, la direction de UFC est en train d’envisager la possibilité d’octroyer un petit crédit de relance des affaires (Bridge Loan) pour les clients, avant de reprendre les remboursements après le Covid. Ceci dépendra évidemment de la disponibilité et de la stabilité des sources de financement de UFC.
En revanche, étant donné que les mouvements sont très limités, nous avons réduit notre staff et instauré un roulement entre les différents agents au niveau des branches : trois agents viennent travailler une semaine et trois autres la semaine suivante. Le personnel du siège et le back office sont quant à eux en télétravail et certains sont en congés. Les heures d’ouverture ont été réduites pour mieux gérer la situation.
Nous avons également mis en place des mesures sanitaires. Les caissiers dans les branches doivent porter des gants et un masque et respecter une distance minimum d’un mètre avec le client et entre les clients eux-mêmes. Avant d’entrer dans la branche, client et agent doivent se laver les mains et utiliser un désinfectant qui se trouve à l’entrée de chaque branche. Les agents de sécurité sont là pour s’en assurer.
Quel est le défi principal auquel il faut faire face ?
Il y a un challenge au niveau des groupes d’épargne, une méthodologie que pratiquent la plupart des IMF. Cela consiste à réunir une trentaine de personnes d’une même zone pour qu’ils effectuent des épargnes et des remboursements entre eux, suite à quoi une personne du groupe se rend dans la branche pour effectuer les remboursements au nom du groupe. Or à l’heure actuelle, même si certains clients du groupe ont encore des business qui fonctionnent, ils ne peuvent se réunir ni pour effectuer un remboursement unique, ni pour épargner. De plus, le report des échéances de remboursements recommandé par la Banque Centrale (BNR) aux banques et IMF a été un prétexte, y compris pour les clients dont le business fonctionne encore. La plupart des clients ont effectué des retraits pour se constituer un stock de vivres et assurer leur survie pendant le confinement, alors qu’il y a peu de mouvements de versements car la plupart des businesses ont été fermés. Il en résulte une diminution progressive des liquidités au sein des institutions financières.
Y’a-t-il eu des mesures au niveau du gouvernement ?
Oui. La Banque Centrale (BNR) a annoncé le report des crédits pour les secteurs d’activité dont le business a été affecté par le Covid. Il y a très peu de remboursements, seuls 20 à 25% de nos clients viennent rembourser leur prêt. A l’inverse, il y a des retraits massifs, donc nos liquidités s’amenuisent progressivement.
D’autre part, la Banque Centrale a limité le montant des retraits à 1 million RWF (980€) pour les banques et 500 000 RWF (490€) pour les IMF. Dans son communiqué, elle a également rassuré la communauté sur le fait qu’il n’y avait aucune raison de céder à la panique car les banques et IMF vont poursuivre leurs activités durant la période de confinement.
Face à toutes ces mesures, comment communiquez-vous avec vos clients ?
Nous avons affiché les communiqués dans les branches et nous nous entretenons avec le nombre réduit de client qui s’y rendent encore. En plus de cela, nous appelons certains clients pour connaître la situation de leurs businesses, surtout ceux qui sont loin des branches. Nous les invitons à ne pas paniquer.
Par ailleurs, UFC venait de terminer sa phase pilote pour le Mobile Money/Push& Pull, permettant aux clients d’effectuer les retraits et versements sur leurs comptes. Ils devront ainsi faire des paiements électroniques au lieu d’utiliser le cash, source potentielle de contamination. Au besoin, ils pourront aussi accéder aux paiements cash via un agent des sociétés télécoms les plus proches. Pour ce faire, ce service est automatiquement activé pour ces clients qui habitent loin des branches et qui souhaitent rembourser, effectuer un retrait ou un versement sur leurs comptes. Cependant, seules moins de 10 IMF au Rwanda ont déjà ce service.
En termes de communication, il faudrait appeler les gens à ne pas paniquer, comme l’a déjà fait la Banque Centrale en publiant ce message : « Ne paniquez pas, retirez seulement l’argent dont vous avez immédiatement besoin, utilisez les canaux digitaux si ceux-ci sont déjà disponibles dans votre IMF. Si votre business continue encore, continuez de faire des mouvements sur votre compte, dans la mesure du possible, et si votre projet demande encore des fonds, n’hésitez pas à approcher votre branche pour demander un crédit d’urgence. ».
Propos recueillis par ADA