Les institutions de microfinance au Myanmar souffrent de la dégradation des conditions de liquidité et de financement 

05 avril 2023 Actualités
Femme achetant des bananes

Une étude du secteur de la microfinance au Myanmar réalisée par la Myanmar Micro Finance Association (MMFA), ADA, ThitsaWorks et Dave Grace & Associates, sur la base de données de 2022, met en lumière le durcissement de l'environnement opérationnel actuel et adresse des recommandations aux décideurs politiques, aux institutions de microfinance (MFI) et aux investisseurs internationaux en vue de les aider à surmonter les défis.


Tandis que la pandémie de Covid a mis à rude épreuve la capacité de résilience du secteur de la microfinance et de ses clients vulnérables à travers le monde, les MFI installées au Myanmar font face à des défis supplémentaires en raison de la situation politiquement instable dans le pays. Alors que le secteur, et l'économie locale au sens large, prospérait avant le coup d'État mené par la junte militaire en février 2021, le Fonds monétaire international estime que la croissance du PIB birman a été d'à peine 2 % pour une inflation record de 16,2 % en 2022. 

 

État des lieux du secteur depuis le coup d'État de 2021
 

Cette étude avait pour objectif de recueillir des preuves manifestes des répercussions de la pandémie de Covid, de l'instabilité politique et de la crise bancaire sur les institutions de microfinance, leurs clients et leurs parties prenantes. Une première étude réalisée en novembre 2021 a comparé les données de décembre 2020 (en pleine pandémie mais avant le coup d'État) à celles du mois de mai (peu après le coup d'État), tandis qu'une seconde étude exhaustive a été réalisée en juin 2022 sur la base des données recueillies auprès de 53 MFI afin de mesurer l'évolution du secteur depuis 2020. 

Tandis que la première étude a confirmé la résilience du secteur, les MFI éprouvent aujourd'hui plus de difficulté face à la persistance de l'instabilité politique et économique dans le pays, comme l'atteste notamment la hausse du nombre de prêts non performants (improbabilité du remboursement du prêt par l’emprunteur). Dans l'ensemble, le portefeuille total des prêts dans le secteur a reculé de 216 milliards MMK (118 millions USD), soit 10,2 % entre décembre 2020 et juin 2022, les prêteurs ne disposant pas de liquidités suffisantes pour octroyer de nouveaux prêts et la demande ayant diminué. De la même manière, on constate une baisse spectaculaire de l'épargne de 25 % (38 milliards MMK ou 20 millions USD) entre décembre 2020 et juin 2022. 

Le nombre élevé de prêts non performants et le tarissement de l'épargne concernent plus particulièrement les femmes, premières clientes des MFI. Le pire est donc à craindre pour les familles et les enfants au Myanmar, lorsqu'on sait que les femmes jouent un rôle clé dans la nutrition et le soin des enfants au sein des ménages. 

Par ailleurs, les MFI ont été, elles aussi, pénalisées par les plafonds de retrait en espèces auprès des banques, ainsi que par le contrôle des changes. En conséquence, les MFI ont eu beaucoup de difficultés à rembourser les prêts en dollars US ou en euros aux prêteurs étrangers, les investisseurs étrangers se montrant désormais réticents à l'idée de continuer à financer le secteur.

 

Perspectives et recommandations
 

Le nombre élevé de prêts non performants, la sécurité des succursales et la rentabilité figurent en tête des préoccupations des MFI concernant leur avenir. Pour ne rien arranger, le Groupe d'action financière a récemment placé le Myanmar sur liste noire en raison de ses faiblesses en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, rendant encore plus difficile pour les MFI l'obtention de prêts extérieurs et d'investissements en capital. Dans ces conditions, les MFI appellent les partenaires de développement à bien faire la distinction entre l'aide apportée aux MFI et à leurs clients et le soutien de la junte non élue actuellement au pouvoir.

Outre l'analyse de la situation actuelle dans le secteur de la microfinance, les auteurs de l'étude adressent également à l'attention de toutes les parties prenantes des recommandations politiques et financières, au nombre desquelles figure la radiation des prêts non performants pour les MFI ou encore l'appel à la tolérance de la part des régulateurs, et suggèrent aux partenaires de développement internationaux de se réengager.