De l’intention à la mesure : la nouvelle feuille de route des investisseurs d’impact
© Olivier Minaire
Jeudi 6 octobre à la Banque de Luxembourg s’est tenu un panel sur la mesure d’impact et la transparence dans le secteur de l’investissement.
De l’intention à la mesure : la nouvelle feuille de route des investisseurs d’impact
Les exigences de transparence envers le secteur financier sont de plus en plus fortes. En témoigne l’émergence récente de la taxonomie verte européenne, qui contraint désormais les acteurs financiers et non-financiers à des obligations de reporting extra-financiers pour pouvoir distinguer les investissements durables des autres, dans l’objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
Il est vrai que la valeur d’un investissement ne se limite plus aujourd’hui à la seule question de rendement. De plus en plus d’investisseurs veulent faire en sorte que leur activité ait un impact environnemental et social positif sur la société et les populations. Mais encore faut-il avoir les ressources, les méthodologies et les outils adéquats pour être capables de mesurer l’impact réel des investissements, au-delà de la simple intention de générer un impact.
Aujourd’hui, la diversification des investissements est telle qu’il n’existe encore pas d’indicateurs clairs pour chaque secteur, pourtant indispensables pour garantir aux clients une vision claire et transparente sur l’impact de leurs investissements. L’occasion également de rappeler que près d’un tiers des fonds d’investissement en finance inclusive, représentant plus de 50 % de l'ensemble des actifs gérés, sont aujourd’hui domiciliés au Luxembourg.
Mais s’il reste encore des efforts à fournir, le processus est en marche, comme nous l’expliquent les orateurs de ce Midi de la microfinance. La table ronde, animée par Perrine Pouget, chargée de responsabilité sociale et environnementale à la Banque européenne d’investissement, a permis d'entendre les points de vue de Safeya Zeitoun, co-gérante et responsable des solutions d'impact de l'organisation suisse Tameo Impact Fund Solutions, filiale du fonds Symbiotics ; Jurgen Hammer, responsable du centre européen de SPTF (Social Performance Task Force) qui partage les bonnes pratiques sociales et environnementales du secteur de la finance inclusive ; et Mathilde Bauwin, responsable en gestion des connaissances chez l’ONG luxembourgeoise ADA.
La mesure d’impact appliquée à la finance inclusive
La finance inclusive, venant depuis ses origines dans les années 1970 avec la double promesse de rentabilité financière et d’une amélioration des conditions de vie de ses clients, a été le premier secteur à définir des bonnes pratiques et standards communs à tous ses acteurs pour mesurer un impact positif de ses investissements, en particulier un impact social et environnemental. A l’origine de ces standards, la Social Performance Task Force (SPTF), créée en 2005 et qui bénéficie depuis 2019 du soutien du gouvernement luxembourgeois pour l’implémentation. « Harmoniser, c’est être transparent », précise Jurgen Hammer, qui ajoute que « tout un secteur s’est mis d’accord pour définir et mesurer la performance sociale et environnementale autour de normes communes, ce n’est pas rien. ».
La tendance dans l’investissement d’impact est à la standardisation
Depuis les premiers travaux sur la gestion de la performance sociale de la SPTF, les exigences se sont renforcées. Safeya Zeitoun, co-gérante de Tameo Impact Fund Solutions, a livré sa vision du secteur de l’investissement d’impact : « Nous avons mené une enquête auprès de 190 fonds d’impact dans l’industrie privée qui utilisent différents instruments. Cette enquête a livré des résultats et a montré que la tendance était à la standardisation. Les investisseurs en microfinance sont généralement avancés dans leurs processus de gestion ESG et d'impact. Plus de 90 % prennent en compte les considérations ESG et d'impact à la fois dans leur processus de prospection et de décision d'investissement, et contrôlent et reportent leurs performances d'impact au moins une fois par an. ». L’enquête a notamment permis d’identifier les processus et standards que les investisseurs utilisent aujourd’hui et a révélé certaines tendances entre toutes les thématiques de l’investissement d’impact comme le climat, l’agriculture ou justement la finance inclusive.
Et comme le souligne Mathilde Bauwin de ADA : « Les processus de mesure et de vérification évoluent, justement pour répondre aux intentions initiales des investisseurs qui souhaitent investir dans des activités censées avoir un impact positif. »
Le défi de la standardisation des indicateurs d’impact
Si les processus de mesure d’impact semblent évoluer dans le bon sens, le manque de standardisation reste un challenge. « Il faut se poser la question de comment peut-on standardiser dans un monde où les instruments sont très variés, dans des thématiques très différentes. Est-ce même vraiment faisable de standardiser des indicateurs ? », s’interroge Safeya. « Chacun a des défis à relever à son échelle », ajoute-t-elle.
Accompagner pour maximiser l’impact : la valeur ajoutée des acteurs du développement comme ADA
L’ONG luxembourgeoise ADA vient en complément des investisseurs d’impact avec un objectif commun, celui de montrer que la finance inclusive a un impact positif. Plus précisément, ADA accompagne des acteurs de terrain en finance inclusive non seulement pour mesurer l’impact, mais aussi pour s’assurer que ces résultats ont un réel effet sur la vie des clients de la finance inclusive, au-delà du simple reporting. « C’est un processus délicat à mettre en place qui nécessite un accompagnement sur le terrain », précise Mathilde Bauwin.
« D’autres acteurs comme les gouvernements, banques de développement, institutions financières et ONG spécialisées dans le développement proposent également ce travail d’accompagnement », complète Jurgen Hammer de la SPTF. Un certain nombre d’initiatives concrètes sur le terrain témoignent effectivement de l’action des gouvernements. « Nous avons mis en place depuis plusieurs années trois facilités régionales, appelées Responsible Inclusive Finance Facility (RIFF), qui visent à renforcer les pratiques de gestion de performance sociale, y compris les pratiques de protection des clients », ajoute-t-il. « Ces facilités sont financées par l'Agence française de développement, la Direction suisse de la coopération et du développement et le gouvernement du Luxembourg ainsi que la Banque européenne d'investissement. ».
Alors que les investisseurs d’impact se rassurent, car si le chemin vers la standardisation est encore long, tout est mis en œuvre pour aller dans la bonne direction.