ADA soutient le développement de l’inclusion financière au Bénin à travers l’éducation financière
Au Bénin, les systèmes financiers décentralisés (SFD), aussi connus sous le nom d’institutions de microfinance, font face à de nombreux cas de clients surendettés qui n’arrivent plus à rembourser leurs crédits. Cela s’explique d’une part car les clients n’ont pas les connaissances pour comprendre les produits que leur proposent les SFD ; d’autre part, parce que ces produits ne correspondent pas à leurs besoins. Cette situation met en souffrance la situation financière des SFD, mais entrave surtout la confiance des clients. L’éducation financière est un moyen d’aider les SFD à se redresser et à renforcer la confiance des clients, participant ainsi à l’inclusion financière des plus vulnérables. Eduquer financièrement les clients, c’est leur donner les informations nécessaires en toute transparence pour comprendre les produits et services qui leur sont proposés afin qu’ils choisissent les plus adaptés à leurs besoins en toute connaissance de cause.
L’éducation financière comme priorité de la stratégie nationale d’inclusion financière
En 2022, l’éducation financière a été définie comme l’un des axes de la stratégie nationale d’inclusion financière 2022-2027 au Bénin. Dans ce cadre, le ministère des affaires sociales et de la microfinance (MASM) a mis en place un projet pilote appelé « Projet d’éducation financière et de protection du client des systèmes financiers décentralisés par le biais des Centres de Promotion Sociale » pour participer au redressement des SFD et protéger leurs clients du surendettement. En particulier, le projet entend renforcer les capacités des centres de promotion sociale (CPS) et de la direction départementale des affaires sociales et de la microfinance (DDASM) d’une part, et doter le MASM d’outils nécessaires à sa mission d'éducation financière de la population d’autre part.
La contribution financière et technique de ADA
De par son expertise en finance inclusive, ADA a été sollicitée pour appuyer le projet, qu’elle co-finance à hauteur de 70 000€, soit un peu plus de 50%, le reste étant financé par le ministère lui-même et l’institut canadien DID (Développement international Desjardins) à travers le projet d’Appui au développement, à la professionnalisation et à l’assainissement de la microfinance (ADAPAMI). Plus concrètement, ADA a dispensé la formation sur les notions de base en finance inclusive et fait le suivi du projet pilote avec le ministère jusqu’à son terme fin 2022.
Le ministère des affaires sociales et de la microfinance mise sur les centres de promotion sociale pour assurer la promotion de l’éducation financière
Les centres de promotion sociale (CPS) sont des structures décentralisées du ministère des affaires sociales et de la microfinance (MASM) qui ont pour mission de prévenir et d’accompagner les populations vulnérables face aux risques sociaux (perte d’emploi, accident du travail, maladie, décès, vieillesse et perte d'autonomie…). Ils ont par conséquent une bonne connaissance du terrain et des populations. Le projet pilote vise à former les CPS pour en faire des centres d'éducation financière et d'appui-conseil aux clients et potentiels clients des SFD, et ce en plus de leur mission sociale. En particulier, 5 des 85 CPS que compte le pays ont été identifiés pour expérimenter le projet.
Une promotion en plusieurs étapes
Mai 2022 : formation des CPS et de la DDASM sur les notions de base en finance inclusive
Le projet a commencé avec la formation de représentants des 5 CPS, du MASM et de la DDASM sur les notions de base en finance inclusive. La formation a été dispensée par Jean-Paul Kiendrebeogo, conseiller technique chez ADA, qui a notamment rappelé les concepts clés de finance inclusive et d’inclusion financière, défini le crédit, l’épargne et le budget, introduit la stratégie d’inclusion financière au Bénin et rappelé les cadres réglementaires et juridiques auxquels sont soumis les SFD pour exercer. La séance s’est clôturée par quelques recommandations pour chacun des acteurs. Les CPS et la DDASM ont notamment pour recommandation de répertorier depuis le terrain toutes les structures illégales de collecte d’épargne et d’octroi de crédits et d’orienter leurs bénéficiaires vers des structures formelles et légales que sont les SFD détenant un agrément. Au-delà de la présentation des concepts clés en finance inclusive, la formation a permis d’offrir un cadre de réflexion et d’échange entre tous ces acteurs concernant les collaborations à mettre en place.
Jean-Paul Kiendrebeogo, conseiller technique chez ADA basé au Burkina Faso :
« La formation en finance inclusive que j’ai dispensée aux CPS leur a permis de se familiariser avec ce nouvel environnement et leur a donné les clés pour devenir des formateurs en éducation financière auprès des clients et prospects des SFD. »
Juin 2022 : formation des CPS et de la DDASM en éducation financière
Les CPS et la DDASM ont ensuite reçu une formation dispensée par l’institut canadien Développement international Desjardins (DID) afin d’apprendre les techniques pour animer une formation en éducation financière. Par exemple, pour qu’un groupe fonctionne convenablement, ses membres doivent poursuivre un but commun et avoir chacun la responsabilité d’une tâche bien définie. Il est également recommandé d’utiliser des supports écrits comme un flipchart et de favoriser le langage corporel pour faciliter l’appropriation des concepts par les participants.
La formation s’est terminée par deux jours de mise en situation réelle au cours desquels les agents des CPS nouvellement formés ont pu mettre leurs techniques en application lors d’ateliers autour de thématiques données (je garde mon argent en lieu sûr, je gère bien mon argent, je vis mieux selon mes moyens, j’obtiens facilement de crédits auprès des SFD, je vends mieux grâce à mes choix éclairés et je respecte mes engagements en famille et dans mon entreprise) et à destination d’une cible bien spécifique (scolarisée ou non scolarisée).
Octobre 2022 : Formation des CPS sur la gestion de la performance sociale et la protection des consommateurs des services financiers
Cette formation est venue compléter les deux précédentes, en fournissant aux participants (CPS, DDASM et MASM) les clés pour comprendre l’importance de la performance sociale et de la protection des consommateurs. La performance sociale est l’ensemble des effets qu’ont les activités des SFD sur les conditions sociales de leurs clients, qu’il s’agisse d’effets sur le niveau de vie, le logement, la santé ou l’éducation. La protection des consommateurs est définie d’après la SMART Campaign (certification reconnue en matière de protection des clients dans le secteur financier) comme l’ensemble de normes, critères et lois qui guident et régissent le comportement des entreprises à l’égard de leurs clients. C’est pourquoi il est important pour les SFD d’en tenir compte, ces deux paramètres étant des critères de choix pour des investisseurs d’impact désireux de financer les activités des SFD.
Formation des clients et futurs clients en éducation financière par les CPS
Une fois formés, les CPS se sont rendus sur le terrain avec un questionnaire pour recueillir les besoins des populations (clients ou potentiels clients des SFD). Sur la base de ces informations, ils ont constitué des groupes en fonction des modules de formation. Des séances de sensibilisation ont également été organisées au profit des clients et non clients des SFD sur leurs droits et devoirs.
Pour permettre aux CPS d’animer correctement les formations, le projet ADAPAMI leur a remis un certain nombre d’outils, à savoir : un guide pour le formateur et un cahier d’apprentissage pour le participant, un kit pour les personnes non scolarisées, un lexique pour expliquer les différents termes utilisés tout au long de la formation, ainsi que des supports de communication (affiches, dépliants et roll-ups).
Plus spécifiquement, les formations en éducation financière ont été organisées autour des 6 ateliers enseignés aux CPS lors de leurs formations, chacun traitant d’un thème précis :
- Je garde mon argent en lieu sûr ;
- Je gère bien mon argent ;
- Je vis mieux selon mes moyens ;
- J’obtiens facilement de crédits auprès des SFD ;
- Je vends mieux grâce à mes choix éclairés ;
- Je respecte mes engagements en famille et dans mon entreprise.
Au total, 60 formations sont prévues jusqu’à fin 2022 à travers ces 5 CPS et ont pour objectif de former 1 800 bénéficiaires. Fin novembre, 53 formations avaient déjà été réalisées et 1 581 bénéficiaires avaient été formés, dont 240 hommes et 1 341 femmes. En parallèle, 3 500 clients ont déjà été sensibilisés sur les droits et devoirs dans l’utilisation des services financiers sur les 6 000 visés par le projet. La prochaine étape consistera pour ADA à suivre l’évaluation du projet début 2023 pour en tirer des leçons.
Témoignages
Firmin Adanminakou, agent à la Direction Générale de la Microfinance (DGM) :
« Ce projet est une opportunité pour la DGM de jouer pleinement son rôle de supervision et d'atteindre la population à la base avec plus d'efficacité. Il a mis en lumière les besoins énormes de la population en matière d'éducation financière. Les 5 CPS de la zone pilote disposent désormais des compétences pour accompagner les clients et les potentiels clients des SFD à l'utilisation des services financiers. L'engouement et l'adhésion notés sur le terrain nous confirment que le canal des CPS est l'une des meilleures options pour éduquer financièrement les populations et participer à la réussite de leurs activités génératrices de revenus. »
Flore Houssou, commerçante ayant suivi les ateliers de la formation « je garde mon argent en lieu sûr » et « j’obtiens facilement de crédits auprès des SFD » :
« Je ne savais pas comment gérer mon argent. Je remettais le bénéfice que je tirais de mon commerce au tontinier ambulant pour épargner. Or lorsque l’argent était utilisé, c’était vraiment difficile pour nous. Mais le CPS m’a donné une leçon sur les différents lieux d’épargne qui sont sûrs et je sais désormais que je pourrais aller retirer mon argent sans problème et à tout moment en cas de besoin. Suite à la formation, j’ai retiré l’argent que j’avais cotisé auprès du tontinier ambulant et j’ai ouvert un compte épargne dans une SFD comme nous l’a enseigné le CPS. »
Martine Ganse, revendeuse ayant suivi l’atelier « je gère bien mon argent » :
« Lors de la formation, j’avais l’impression que le CPS décrivait mon cas. Je faisais de la mauvaise gestion de mon argent sans le savoir. Par exemple, lorsque je devais me rendre à des cérémonies, je dépensais au moins 5 000 [Francs CFA] sur mes manicures et pédicures et les cheveux n’en parlons pas. Désormais, je dépense mon argent autrement. J’ai commencé par gérer davantage mes priorités et je fais même des économies. »